La société des loisirs

Par Pierre M. Valiquette du RMN

Malgré ce qu’en disent plusieurs personnes, la qualité de « société des loisirs » caractérise bel et bien la collectivité québécoise. Oui, nous travaillons encore plus ou moins 35 heures par semaine et nous apportons souvent du travail à la maison, je vous l’accorde…

Mais, c’est loin des 70 à 90 heures, essentielles à leur survie, que devaient accomplir nos arrière-grands-parents et que réalisent encore aujourd’hui une majorité des habitants de la planète. Le sociologue Joffre Dumazedier, celui qui a défini le concept de « société des loisirs » en 1962, s’inquiétait de cette nouvelle situation pour la majorité des travailleurs français et, par extension, pour ceux du premier monde. Que faire de cette nouvelle richesse financière et surtout du temps libre ? Il prévoyait avec raison un changement radical des comportements culturels dans la société.

Ce changement s’est effectué rapidement au niveau de la consommation par les travailleurs. Aujourd’hui, posséder une automobile pour se déplacer est la norme. Ne pas en avoir une volontairement est considéré comme anticonformiste ! Tous possèdent une télé, une chaîne stéréo, la radio, un iPod ou son équivalent, un téléphone cellulaire ou un téléphone fixe, souvent les deux. Nos heures de loisir sont occupées à suivre les séries télé, les documentaires ou les exploits des vedettes sportives du monde entier.

Certains pratiquent activement des sports aujourd’hui communs : le hockey, le ski, le golf, le tennis, le cyclisme ou la randonnée. D’autres préfèrent la lecture, la photographie, le cinéma (en salle ou sur DVD), le jardinage, ou même suivre des cours de danse ou de formation personnelle. Nos vacances annuelles se font dans une résidence secondaire ou dans un voyage à des milliers de kilomètres de chez nous. Certains s’investissent dans des projets politiques ou dans des associations de loisir. Nous possédons aujourd’hui plus d’argent mais surtout du temps que nous pouvons utiliser à notre guise.

« Société de consommation »
est aujourd’hui synonyme de « société des loisirs ».

Belle affaire !
Une consommation sans retenue, justifiée par son rôle dans le maintien des emplois dans un monde lié à la production industrielle. L’idéologie dominante promue par l’État et par les entreprises, c’est que moins de consommation égale hausse du taux de chômage et récession économique. La consommation est mondialisée. Les nations se spécialisent en fonction de leurs ressources « naturelles » : minéraux, production agricole, main-d’œuvre bon marché ou spécialisée, attraits touristiques naturels ou culturels…À peu de choses près, la planète est devenue une usine, un bassin de consommateurs et un territoire malmené, surexploité et encore considéré par la plupart des gens comme une ressource inépuisable au sein de laquelle il y a toujours moyen de compenser, de trouver « ailleurs » ce qui manque chez nous. Jamais, Dumazedier ou ses collègues n’ont été préoccupés par l’empreinte écologique de la société des loisirs !

Plusieurs personnes font la promotion de solutions technicistes : automobiles hybrides ou électriques, énergie éolienne ou nucléaire, moteurs d’avion plus efficaces et économes d’énergie, plantes hybrides, matériaux performants, etc. La liste est longue et présente un intérêt certain. Dans les faits, toutes les avancées technologiques sont intéressantes mais elles ne vont contribuer que marginalement à la solution des problèmes environnementaux. Le danger qui nous guette, c’est que ces technologies soient présentées et accueillies comme des panacées et, surtout, comme « notre contribution » à la solution des problèmes environnementaux. Je m’insurge régulièrement, non pas contre ces mesures, mais contre leur récupération par les pouvoirs publics qui clament haut et fort qu’elles constituent leur extraordinaire contribution à la sauvegarde de l’environnement alors que, par ailleurs, ces mêmes institutions contribuent à coups de milliards au développement de la consommation d’automobiles…

Nous consommons actuellement plus que ce que la planète peut produire pour soutenir les activités humaines. Nous savons que le modèle de société que nous partageons et dont nous faisons la promotion par nos comportements à l’échelle du monde nous entraîne directement vers une catastrophe environnementale. Ce constat devrait être mobilisateur et porteur de changement pour toute personne sensée. Or, dans la vie de tous les jours, cette situation est cachée, marginalisée et présentée comme quelque chose qui se passe « ailleurs », une situation qui ne nous rejoint pas, nous, citoyens du premier monde. Elle ne rejoint pas non plus nos responsables gouvernementaux, ni nos entreprises. C’est décourageant.

Pourtant, je fais partie des optimistes, de ceux qui croient que nous sommes capables, en tant qu’êtres pensants, de modifier le cours des comportements destructeurs que nous adoptons tous les jours. Ce n’est pas facile, ça prends du temps, de l’argent et, surtout, un engagement dans de multiples démarches à tous les niveaux de nos activités journalières. La société des loisirs nous procure ce temps et ces ressources.
Encore faut-il choisir de les utiliser à cette fin.

 

Comment faire ?

Notre société a besoin d’organismes communautaires qui se préoccupent non seulement de sensibilisation mais qui soient aussi des lieux où des individus peuvent s’engager à devenir des moteurs de changement dans leurs communautés. Pendant des siècles, les organisations religieuses se sont préoccupées de sauver « les âmes », mais elles se préoccupaient aussi du « bien-être » de leurs « communautés ». Elles ont participé activement à doter notre société d’institutions adaptées aux besoins de leur « ministère ». Le projet de TerraVie est une de ces institutions communautaires. À l’origine d’un rêve utopique, TerraVie est maintenant propriétaire de terrains, regroupe une trentaine de membres très actifs et sensibilise régulièrement des milliers de personnes à modifier leurs comportements et à devenir des citoyens responsables.

TerraVie permet, ici et maintenant, à de nombreuses personnes de contribuer concrètement et rapidement à l’amélioration de leur milieu de vie. Comme un merveilleux jardin aménagé au cœur d’un territoire malmené, TerraVie peut devenir une forêt capable d’offrir des services à toute une communauté. À la différence d’une forêt dont les services sont limités par son ancrage sur un territoire délimité, les services qui peuvent être rendus par TerraVie font appel à ce qu’elle possède de plus important : ses membres et ses employés. Nul besoin d’attendre qu’une éventuelle décision politique dicte comment intervenir. Il est possible pour TerraVie d’entreprendre des actions collectives, de rendre des « services écologiques », dans sa communauté.

Quels sont ces services ?

Ici, l’imagination est au pouvoir !

Protection de bandes riveraines, aménagement et entretien de sentiers, organisation de corvées festives pour réaliser un projet que les citoyens ont à coeur, etc.

En mettant de l’avant des valeurs telles que la solidarité et la collaboration, TerraVie a le pouvoir de changer les comportements dans sa communauté. Et ces changements vont rapidement en modifier l’environnement physique.

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